Ça y est, depuis le 1er janvier et pour 6 mois, la Hongrie préside l’Union Européenne. Au départ, rien d’anormal, c’est le principe de la présidence tournante.
Quel est le problème? Tout simplement que la Hongrie a voté la semaine dernière un ensemble de textes limitant considérablement la liberté de la presse. Désormais, toute « d’atteinte à l’intérêt public, l’ordre public et la morale », toute « information partiale » ou tout manque « d’équilibre politique » sera passible de sanctions financières lourdes. En outre, la commission mise en place afin d’assurer le respect de ces textes est exclusivement composée de membres appartenant au parti du président en exercice! Une garantie d’impartialité donc …
Outre le flou et l’ambiguïté de ces formules, le problème est surtout le fait que cela puisse se produire au sein d’une zone dont la démocratie est une pierre angulaire. L’accession de tous ces pays venus de l’ex-URSS était un aboutissement marquant la sortie définitive du communisme en ce qu’il avait de plus antidémocratique. Et voilà que ses pratiques reviennent par la fenêtre!
Il y a là une dimension stratégique a priori. Le faire juste avant de devenir le pays qui préside l’Europe est sûrement un moyen de rendre délicates les critiques véhémentes de la part des autres pays membres. Mais cela n’est pas une excuse. Comment doit-on interpréter le fait que l’UE laisse un de ses membres jouer avec les médias de la sorte? Comment est-il possible que nous soyons tolérants envers ce genre de loi alors que nous demandons à tous les candidats à l’accession de montrer patte blanche sur ces sujets essentiels?
C’est un aveu d’échec total en réalité. Nous constatons que nous ne sommes pas prêts à transférer une part de notre souveraineté. Car le problème est là, à la fois la Hongrie se permet d’agir à l’encontre de valeurs fondatrices de l’Europe mais les autres pays n’osent lui contester ce droit. Or l’Europe ne peut se résumer à une absence totale de dimension politique, elle a en une depuis sa création fondée sur la démocratie, contre toute pratique totalitaire.
Ainsi, l’Europe politique à laquelle ses créateurs aspiraient, comme le rapellait Krugman hier à un autre sujet, est en train de disparaître complétement. Alors que nous croyions que l’économique mènerait au politique, c’est le contraire qui se produit. Nous ne considérons l’Europe que comme une opportunité économique et nous avons perdu de vue ce pourquoi il est nécessaire de penser politiquement l’UE. Economiquement, comme le souligne Krugman, c’est la déception. Est-ce cela qui produit ce déficit de réactions face à l’attitude hongroise? Plus personne ne veut croire en l’Europe car elle n’a pas tenu ses promesses économiques, alors à quoi bon…
Il est clair depuis trop longtemps que la volonté politique fait immensément défaut à l’Europe. Les choses deviennent désormais criantes. Nous avons inversé l’ordre des priorités. Mais le mal est plus profond, au-delà de l’absence d’évolution politique de l’Europe ces dernières années, ce sont les valeurs que nous pensions partagées et protégées par l’Europe entière qui sont bafouées. Nous ne sommes pas en train de constater que la dimension politique de l’Europe n’ira pas plus loin, nous sommes en train de revenir sur son fondement même.
Que pouvons nous faire face à cela? D’abord, réagir vivement et pas seulement avec des mots, mais également des actes. Ensuite, il faut clairement se doter d’institutions qui ont la capacité et le pouvoir de faire respecter ces valeurs au cœur de l’idéal européen. Cela constituerait une base pour un développement politique. Si nous ne partageons pas ces valeurs, alors pourquoi continuer?
Nous sommes à la croisée des chemins. Soit nous laissons faire et ce sera la mort à petit feu de l’Union Européenne, soit nous nous saisissons de cette triste affaire et en profitons pour penser politiquement de façon ouverte l’Union Européenne et son futur. Il est aujourd’hui indubitable que l’Europe politique ne se fera pas toute seule, au contraire, elle se défera toute seule si nous n’agissons pas. Que tous ceux qui disent croire en cette Europe se mobilisent pour montrer que ces valeurs peuvent permettre de faire de grandes choses, y compris sauver la Hongrie de sa dérive totalitaire.
Affirmer ces valeurs est aujourd’hui plus que nécessaire car nous voyons déjà poindre ici et là des mouvements nationalistes, prônant le repli sur soi. La Hongrie vient de faire un premier pas, ne pas l’endiguer et le dénoncer aura pour seule conséquence le développement de lois en tous genres allant à l’encontre de ces valeurs.
Chuck ne sait pas où est la Hongrie, mais si il la trouve, il va y distribuer des baffes à tour de bras histoire de remettre les esprits en place! Et si par hasard il passait par Bruxelles en chemin, il n’est pas dit que quelques coups de savate ne se perdront pas…
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